– Et les choses étaient douces –
D'un mouvement fluide Kisaragi Hareyuki s'accroupit et redressa sa petite sœur sur ses jambes. Qu'on l'admette oralement ou non, elle demeurait anormalement petite pour une enfant de six ans. Elle serrait les dents alors qu'il époussetait ses genoux écorchés, mais elle ne pleurait pas. Elle avait pourtant l'habitude d'être bousculée, chahutée par les enfants de son âge. Ce n'était pas de la pure méchanceté de leur part mais elle ne leur ressemblait pas et c'était quelque chose qui les mettait mal à l'aise.
« – Tu veux manger une glace, Tamachan ? »
Elle leva ses yeux verts sur lui et hocha doucement la tête. Elle soupira un peu , tendant les bras vers lui et ni une ni deux il la logea sur son dos. Et il n'en fallait pas plus pour que Tamako retrouve le sourire. C'était une bonne petite, elle était née un six mai ou il faisait particulièrement chaud pour la saison. Comme un petit rayon de soleil, il avait alors huit ans et jamais il n'avait pu envisager qu'un bébé aussi minuscule puisse être vivant. Il ne l'avait pas immédiatement aimée, après tout elle venait troubler sa monotonie et accaparer ses parents, mais c'était un bébé prématuré et fragile, faible et rapidement il avait été lui-même pris dans l'angoisse de ne pas la voir se réveiller le lendemain au matin.
Elle avait ces grands yeux vers qui se posaient naïvement sur lui. Des yeux qui brillaient d'amour et de curiosité et puis il y avait eu ce jour ou elle pleurait à s'en arracher les cordes vocales. Quel âge avait-elle alors ? 6 ou 7 mois ? Il s'était penché sur le berceau et lui avait tendu son doigt. Sa main minuscule s'était fermée dessus, pas entièrement et elle avait tété l'indexe qu'il lui avait offert. C'était précisément à ce moment là. Cet instant précis qu'il avait décidé que c'était son rôle de la protéger de tout et même d'elle même, de la faiblesse de son propre corps. C'était beaucoup pour le petit garçon de huit ans qu'il était alors, mais il n'avait jamais faillis à sa promesse depuis.
Il poussa la porte de la maison attenante à la boutique nommée « Kisaragi Ramen » et déposa la petite dans le vestibule. Elle enleva seule ses chaussures.
« – Tu laves tes mains avant de manger d'accord ? »
« – Oui. »
« – Tu enlève ton uniforme après »
« – Oui. »
Une main dans ses cheveux.
« – Tu es une bonne fille, n'est-ce pas ? »
« – oui ! »
Gazouillis elle s’agita rapidement pour exécuter toutes ses recommandations.
« – Nii-chan, tu va aider papa ? »
« – oui, pourquoi ? »
Elle montra la rue qui passait juste en face de la porte d'entrée.
« – J'ai dis à Kazu-nii que je jouerai avec lui aujourd'hui »
« – Tu peux y aller. »
Hareyuki ne comprenait pas vraiment l'affection qui liait les deux enfants, mais ils s'étaient rencontrés dans le parc ou il amenait Tamako tout les jours après l'école. Un jour qu'elle avait décidé d'y aller seule. Ce n'était pas très loin de la maison après tout. Il n'avait pas tout compris elle avait des mots d'enfant pour raconter les faits. Takao Kazunari avait le même âge que sa sœur mais de part son physique semblait lui correspondre à ce qu'on attendait d'un enfant de six ans et il avait été là quand elle avait été bousculée. Elle était chahutée trop souvent à son goût mais Takao – un de leurs voisins à ce qu'il avait pu voir – avait pris la petite par la main et avait pris soins d'elle avec beaucoup de minutie et de patience pour un garçon de cet age. Et Hareyuki lui était reconnaissant. Et puis ils étaient mignons, tout les deux côte à cote. Des gosses comme il y en avait beaucoup sans doutes, mais ça ne changeait rien. Et tout un chacun prenait plaisir à les voir grandir ensemble, main dans la main. Comme un membre supplémentaire de la famille de l'autre, parce que c'était ce que Takao devenait peu à peu. Un autre frère, un autre fils, pour les Kisaragi et un peu un héro aussi dans les yeux de la petite Tamako.
Et les choses étaient douces.
– Et elle avait l'air tellement minuscule à côté de lui
que c'était à la fois absurde et totalement adorable –
« – Komano Sumire, ravie de vous rencontrer ! »
l’étouffant silence qui régnait dans la pièce n'avait rien d'engageant. Pas que la demoiselle ne s'en soit pas doutée quand elle avait passé les examens pour entrer en cours d'année au collège pour fille Meiji. Elle ne s'attendait seulement pas à quelque chose d'aussi drastiquement froid. Elle n'osait pas relever le visage, rouge de honte de susciter aussi peu de réactions.
« – Il y à une place libre derrière moi si tu veux. »
Un visage fin comme elle supposait que l'étaient ceux des nymphes-cygnes dont parlaient les contes, des cheveux longs, noirs comme de l'encre de chine encore humide et des yeux vert comme la cime des arbres qui illuminaient un visage à la peau claire. La fille était à première vue la plus petite de la classe et sa proposition sembla agiter ses camarades mais personne ne protesta de vive voix. Elle avait ce sourire profondément doux des gens bon et quelque chose de délicat, de candide, de frais. Quelque chose de réconfortant.
« – Je suis la déléguée, je m'appelle Kisaragi. Kisaragi Tamako. J'espère que tu t'habituera vite à ta nouvelle école. Les filles sont un peu intimidées, nous avons rarement des étudiantes transférées, mais personne n'est foncièrement méchant ici. N'est-ce pas ? »
Et si toute la classe s'empressa de lui donner raison, Sumire,elle, n'eût pas la ferme conviction que c'était une question. Et elle ne savait pas vraiment pour quelle raison on se pressait pour satisfaire cette demoiselle. Elle l'apprendrais par la suite. Parce que Tamako n'était pas une personne violente. Que ce soit psychologiquement ou physiquement tout le contraire. C'était peut-être pour cette raison qu'elle ralliait autant de monde autour d'elle. Parce qu'elle incarnait un petit bout de gentillesse et de soleil que personne ne voulait voir disparaître. Il aurait été faux de dire que le harcèlement que Sumire avait fuis dans son ancienne école n'était pas présent à Meiji, mais même les groupes de filles les plus agressifs ne semblaient pas se permettre de lever la main ou la voix sur la petite poupée de la 2-A. Et Sumire en profitait, à sa façon.
« – Tamachan est de corvée de jardin tout les jeudi, sans exceptions »
Le reste du temps c'était une fille plutôt discrète quoique bien entourée qui possédait un poste de contrebassiste titulaire dans l'orchestre de l'école. Elle rentrait rarement seule. Le vendredi soir il y avait ce garçon, grand qui venait la récupérer et elle avait l'air tellement minuscule à côté de lui que c'était à la fois absurde et totalement adorable.
« – C'est le frère de Tamachan, il à 20 ans. Il joue dans une grande équipe de Basket. Mikoto-senpaï qui à une sœur qui était au lycée avec lui – a Rakuzan – m'as dit qu'en ce moment il avait la côte dans de nombreux pays. Il à été recruté pour faire partie de l'équipe nationale cette année. »
Généralement Sumire ne donnait pas d'importance aux rumeurs, mais toutes celles qui concernaient la fille du vendeur de Ramen étaient juste et ça avait quelque chose d'absolument fascinant. Et quand Tamako parlait de son frère elle avait des étoiles dans les yeux. Il jouerai la prochaine saison en Chine à ce qu'elle disait.
Parfois il l'entraînait lui -même. Tamako n'avait pas forcément d'affection pour le sport, mais avec les années, l'entrée de son frère dans l'équipe du collège de Teiko, puis celle de Rakuzan, ses débuts en temps que professionnel, elle avait appris à aimer et à comprendre le basket et elle s'adonnait volontiers à l'exercice. Elle avait faillis rejoindre l'équipe de son propre collège mais avait finalement jeté son dévolu sur l'orchestre. Même si elle adorait le basket, elle ne pouvait pas s'illustrer en la matière et ne se démarquerai jamais de son frère en pareilles circonstances, elle avait cependant bénévolement apporté ses conseils et offert le soutiens de son aîné au club de l'école.
Ce n'était pas seulement son frère Hareyuki qui avait motivé l'affection grandissante de la fillette pour le basket mais la façon dont Kazunari s'illustrait lui aussi dans le domaine. Elle ne voulait pas être laissée de côté par l'un ou pas l'autre cela faisait bien trop longtemps maintenant qu'ils se connaissaient pour qu'elle ne l'admette et c'était à elle de prouver qu'elle était encore digne de leur attention. Et elle y trouvait son compte, d'une certaine manière.
« – Tu iras à Rakuzan, comme ton frère ? »
Et Tamako avait rigolé un peu.
« – Bien sur que non. Mais j'ai encore un an pour me décider quant à mon lycée. Et toi, ou tu ira Sumire-chan ? »
Et Sumire ne savait pas. Comment aurait-elle pu.
Elle n'était pas première de la classe comme Tamako, elle n'avait pas autant d'amis qu'elle et certainement pas autant de perspectives, moins de rêves et trop peu de sourires, pas assez d'espoirs pour prendre les choses de façons aussi détendues que Mademoiselle la déléguée et ça Kisaragi Tamako ne pouvait pas le savoir.
– D'un souffle le vent emporte tout –
Tamako pesta silencieusement alors qu'un groupe de trois personne la bousculait à la sortie de l'assemblée matinale, naturellement elle ne jeta
pas un regard à la grimace de ce crétin de Nishikaido de deuxième année qui n'arrêtait pas de la chambrée depuis la rentrée. Objectivement parlant elle n'était pas particulièrement susceptible mais les moqueries sur sa taille cessaient au bout de quelques jours généralement, lui en revanche s'acharnait depuis des mois et ça lui courrait sur le haricot.
La main de Saya se referma autour de son poignet et la tira hors du bain de foule qui risquait de devenir dangereux et la plus petite offrit un regard soulagé et reconnaissant à son amie. D'un geste qui traduisait l'habitude elle chercha la grande silhouette de son ami d'enfance et tomba sur la tignasse verte de celui qu'il avait décidé d'adopter de la même façon qu'il l'avait fait pour elle à l'époque et elle se désintéressa de la situation.
Plus tôt dans l'année elle s'était beaucoup intéressée à Midorima Shintarô. Principalement parce que Kazunori restait avec lui et en suite parce qu'elle s’intéressait à son style de jeu et à la renommée de la génération des Miracle. Hareyuki en avait beaucoup parlé lui aussi, au téléphone et semblait assez impressionné par les statistiques qu'offrait le jeune homme en question. Mais les semaines passant et sa directe proximités le rendait moins intéressant et mystérieux à ses yeux que les joueurs des autres équipes dont elle avait encore beaucoup à apprendre. Naturellement, elle ne pouvait pas assister à tout les matchs au dépends de ses études sans une raison validée par l'établissement et elle avait peu à peu fait bande à part du club de journalisme qu'elle avait rejoint en début d'année pour tenir son propre magazine entièrement dédié au basket inter-lycée , Saya l'avait rejointe dans sa démarche et elles avaient peu à peu écumé tout les gymnases des alentours, interrogé bon nombre de personne pour obtenir des résultats satisfaisants. Espionner des entraînement , scruter les stratégies adverses, récolter les humeurs et l'état de santé des joueurs adverses dans le seul but d'aider Shutoku à se surpasser … Tamako se plaisait dans ce quelle faisait et se sentait plus ou moins utile, pas toujours couronnée de succès mais elle le faisait avec passion et conviction et on avait des difficultés à lui dire non.
Hareyuki avait beaucoup protesté quand à son choix de lycée mais le fait était qu'elle désirai plus que tout intégrer Todaï à la fin de son lycée , il n'avait rien trouvé à redire. Pas qu'il ai eu le choix de toutes les façons. Il était parti pour la Corée deux ans plus tôt et avait signé pour un grand club ou il semblait s’épanouir. Et puis Tamako était bonne pour les études, bonne généralement dans tout ce qu'elle entreprenait et ça avait quelque chose de vivifiant, d'encourageant.
Un éclat de rire.
D'un souffle le vent emporte tout et elle aurait tellement voulu s'envoler elle aussi.
Hareyuki jeta négligemment son sac de voyage dans le hall d'entrée et retira ses chaussures à la va-vite pour se diriger d'un pas précipité vers la cuisine et se servir le verre d'eau qu'il réclamait depuis déjà une heure. Il bouscula maladroitement une chaise au passage mais ne s'en soucia pas outre mesure.
« – Fierté nationale, mon œil. T'es une vraie tâche , l'air de rien »
Il ne releva pas l'ironie latente de la voix fluette qui raisonnait dans la pièce. Sans doutes parce qu'il la connaissait trop bien et après parce qu'elle n'avait pas entièrement tors. Il éclata d'un petit rire amusé.
« – C'est pas parce que tu es frustrée d'être minuscule que tu dois m'en vouloir de ne pas avoir assez de place pour mettre mon grand corps, la naine. »
Elle rit à son tour et il baissa les yeux pour regarder sa cadette qu'il surplombait du haut de son mètre quatre-vingt quatre. Il s’accroupit amplement pour l'attraper et la soulever à hauteur de son visage. C'est qu'elle n'était pas bien lourde, pas grande non plus. Ça avait toujours été comme ça. Elle avait d'autres atouts dans sa manche et il ne faisait pas vraiment de soucis pour sa petitesse, mais parfois quand il la regardait comme ça, il avait l'impression qu'elle était encore une toute petite fille. Celle qu'il allait chercher au jardin d'enfant parfois, puis à l'école primaire... comme si le temps qui avait marché sur lui n'avait pas eu le moindre effet sur sa petite sœur, et ça l'inquiétait vraiment. Pas de se voir vieillir , non ça il s'en moquait, mais il savait que le monde actuel n'était pas fait pour les enfants et si Tamako n'en était pas vraiment une , elle le paraissait et il ne doutait pas de combien les choses devaient être difficiles parfois.
« – Eh, au fait. Ton uniforme à pas changé dernièrement? »
Grimace.
Bien sur qu'il avait changé. Les années défilaient à une allure monstre. Plus encore depuis qu'il ne vivait plus au japon toute l'année.
« – Je suis au lycée maintenant, tu sais. Nii-chan. »
Il la posa, debout, en équilibre sur la chaise qu'il avait bousculée un peu plus avant. Il détailla l'uniforme d'un œil critique et elle senti venir la remarque elle ne l’empêcha pas de la faire cependant.
« – Je pensais que tu suivrais mes traces et que tu irais à Rakuzan, comme moi. Pourquoi Shutoku ? Sérieusement. »
« – Rakuzan c'est vraiment très loin. Shotoku à des bons statistiques pour la fac. »
« – Todaï, hein ? Tu à rejoint un club ? »
Elle plissa le nez. Suspicieuse.
« – Pas encore. Mais je ne rejoindrais pas le club de basket ! »
« – Tu adore le basket depuis que tu es gosse ! »
Hareyuki compris cependant assez rapidement qu'elle n'en démordrait pas. Il ne savait pas pourquoi elle s'entêtait dans cette voix. Elle n'avait sans doutes pas les moyens de briller en nationales mais elle était sans doutes capables de devenir un bon élément dans une équipe régionale. Même si c'était seulement une petite équipe secondaire. Il l'avait entraînée lui même et si sa taille était un handicap manifeste elle était assez rapide et précise pour que ce ne soit pas un désavantage.
« – Et tes cheveux, tu les à laisser au collège aussi ? »
Elle rigola un peu et hocha positivement la tête et descendit de son perchoir, quand à Hareyuki il ne trouvait rien à redire. Si elle se plaisait comme ça alors ça lui convenait.
« – J'ai ramené du Kimchi , de corée. »
« – Cool ! On pourra le manger ce soir alors. Papa rentre tard il à une réunion avec les autres commerçant et maman est à une conférence près d'Osaka depuis deux jours. »
Il opina du chef et s'étira vaguement.
« – Et comment s'en sort Shutoku en match ? »
Elle glissa les yeux sur lui, dépitée et fit le choix de ne pas lui répondre pour ne pas s'engager dans un débat sans fin sur la supériorité manifeste de Rakuzan.